Retour aux articles Data centers et chaleur fatale : un gisement à valoriser pour une informatique plus durable Copier l'url
Avec l'explosion du numérique, les data centers sont devenus indispensables à notre quotidien. Mais leur fonctionnement génère d'importantes quantités de chaleur encore peu valorisées. Pourtant, sur les 117,9 TWh de chaleur fatale émis chaque année en France par l'industrie, les data centers représentent à eux seuls 3,6 TWh (avis d’expert édité par l’Ademe fin 2020), soit l'équivalent de la consommation de chauffage de 360 000 logements. Zoom sur les enjeux et solutions pour exploiter cette ressource au service de la transition énergétique.

Pourquoi les data centers produisent-ils de la chaleur fatale ?

Les data centers abritent des milliers de serveurs et d'équipements informatiques qui fonctionnent sans interruption pour stocker et traiter les données. Cette forte concentration d'appareils électroniques, pouvant atteindre plusieurs kW/m2, génère inévitablement d'importantes quantités de chaleur.

Pour maintenir les serveurs à une température optimale, généralement entre 22 et 25°C, les data centers sont équipés de systèmes de refroidissement très énergivores : climatisation, ventilation, free cooling, etc. Ces équipements consomment à eux seuls près de 40% de l'énergie totale d'un data center, uniquement pour évacuer la chaleur produite par les serveurs et maintenir une température de fonctionnement acceptable. C'est un véritable paradoxe énergétique : d'un côté, on laisse s'échapper une quantité considérable de chaleur fatale, et de l'autre, on consomme encore plus d'énergie, souvent d'origine électrique, pour refroidir les équipements. Un double gaspillage qui pourrait être évité en récupérant et en valorisant intelligemment cette chaleur fatale. Cela permettrait non seulement de fournir une nouvelle source de chaleur décarbonée mais aussi de réduire fortement la consommation électrique des data centers liée à la climatisation. Un coup double pour l'environnement et la performance énergétique de ces installations.

Un gisement considérable encore peu exploité

En France, la chaleur fatale dissipée par les data centers représenterait un gisement conséquent mais encore peu exploité puisque seulement 3% serait effectivement récupéré et valorisé aujourd'hui.

Pourtant, la chaleur dégagée par les data centers présente un potentiel de récupération supérieur à d'autres secteurs industriels comme l'agroalimentaire, la papeterie ou la chimie. Mais plusieurs freins techniques, économiques et contractuels complexifient encore la valorisation à grande échelle de cette ressource.

Comment valoriser la chaleur des data centers ?

Plusieurs solutions techniques existent pour récupérer et valoriser la chaleur fatale des data centers :

  • La première étape consiste à récupérer les calories au plus près des équipements informatiques via des échangeurs thermiques positionnés au niveau des groupes froids et des serveurs.
  • La chaleur récupérée, généralement à basse température (30-40°C), doit ensuite être remontée en température via une pompe à chaleur pour atteindre 55 à 65°C et ainsi servir à des usages de chauffage.
  • La valorisation la plus intéressante consiste à raccorder le data center à un réseau de chaleur urbain pour alimenter en chauffage et eau chaude sanitaire des bâtiments résidentiels ou tertiaires situés à proximité.
  • D'autres pistes de valorisation locale sont possibles comme le chauffage de serres agricoles, de piscines, le séchage de boues, etc.
  • Enfin, si la chaleur peut être récupérée à plus de 80°C, il est envisageable de la transformer en électricité par un cycle organique de Rankine, une technologie néanmoins complexe et coûteuse.

Les bénéfices d'une meilleure valorisation

Au-delà des aspects techniques, la valorisation de la chaleur fatale des data centers présente de multiples bénéfices environnementaux et territoriaux :

  • Elle permet de réduire l'empreinte carbone et la facture énergétique des data centers en récupérant une énergie auparavant gaspillée.
  • Elle contribue au verdissement des réseaux de chaleur en y intégrant une énergie renouvelable et de récupération, en remplacement d'énergies fossiles.
  • Elle favorise la création de boucles locales d'économie circulaire en créant des synergies entre les data centers et leur écosystème : collectivités, industriels, agriculteurs, etc.
  • Elle améliore l'acceptabilité sociale des projets de data centers, parfois contestés, en les intégrant dans la transition énergétique des territoires.
  • Elle participe aux objectifs ambitieux fixés par la Programmation Pluriannuelle de l'Énergie qui vise 38% d'énergies renouvelables dans la chaleur en 2030.

Des initiatives pionnières chez les géants du cloud

Conscients des enjeux, plusieurs grands opérateurs de data centers ont lancé des projets pilotes de récupération de chaleur ces dernières années :

  • En région parisienne, Interxion va raccorder son data center de La Courneuve au réseau de chaleur urbain pour chauffer l'équivalent de 12 000 logements.
  • À Odense au Danemark, Facebook valorise la chaleur de son méga data center pour alimenter le réseau de chaleur de la ville et couvrir les besoins de 6 900 foyers.
  • À Londres, le data center d'IBM réchauffe la piscine de l'université voisine, réduisant de 10% la consommation énergétique du site.
  • En Finlande, Microsoft a noué un partenariat avec l'énergéticien Fortum pour construire le plus grand data center au monde valorisant sa chaleur fatale, qui couvrira 40% des besoins de chauffage du district d'Helsinki.
  • En France, Data4 expérimente la récupération de chaleur sur son site de Marcoussis (91) pour chauffer des serres agricoles installées à proximité.

Ces initiatives restent encore ponctuelles mais démontrent la faisabilité technique et économique de tels projets. Elles ouvrent la voie à une généralisation de ces pratiques vertueuses.

Des aides financières pour accélérer les projets

Conscients du potentiel de la chaleur fatale des data centers, les pouvoirs publics ont mis en place plusieurs dispositifs de soutien financier pour favoriser l'émergence de projets :

  • Le Fonds Chaleur de l'ADEME finance depuis 2015 les projets de récupération de chaleur fatale, y compris ceux issus des data centers, à condition que la chaleur soit valorisée à l'extérieur du site. Entre 2015 et 2020, 4 projets ont ainsi été aidés pour un total de 94 GWh valorisés et 5,1 M€ d'aides.
  • Les Certificats d'Économies d'Énergie (CEE) disposent de fiches standardisées comme la fiche RES-CH-108 "Récupération de chaleur fatale pour valorisation sur un réseau de chaleur ou vers un tiers" qui s'applique aux data centers. Les CEE "spécifiques" peuvent aussi financer des opérations sur mesure.
  • La taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) applique depuis 2021 un tarif réduit aux data centers, à condition qu'ils mettent en œuvre des bonnes pratiques d'efficacité énergétique et de valorisation de la chaleur fatale. Les critères précis seront fixés par décret.

Pour être éligibles, les projets doivent répondre à certaines exigences techniques et économiques :

  • Réaliser une étude de faisabilité préalable pour caractériser le gisement, les besoins et la solution de valorisation envisagée
  • Atteindre une température minimale de la chaleur récupérée, généralement supérieure à 55°C pour un usage externe
  • Dimensionner le système de captage et les équipements en fonction des besoins identifiés
  • Respecter un temps de retour brut acceptable, souvent plafonné à 5 ans dans le cadre des aides publiques

Au-delà des subventions, la valorisation de chaleur fatale constitue un levier de compétitivité pour les opérateurs de data centers. En vendant leur chaleur à un réseau de chaleur ou à un industriel, ils peuvent générer un revenu complémentaire et amortir plus rapidement leurs investissements. C'est aussi un argument commercial et d'acceptabilité locale de plus en plus important face aux attentes croissantes de sobriété numérique.

Avec le soutien des pouvoirs publics et une prise de conscience des opérateurs, la récupération de chaleur des data centers devrait donc s'accélérer dans les prochaines années. Mais il reste encore des freins à lever, notamment contractuels, pour créer les conditions favorables à l'émergence de projets viables sur le long terme entre data centers et utilisateurs de chaleur.

La valorisation de la chaleur fatale est un levier essentiel pour réduire l'empreinte environnementale des data centers et en faire des acteurs de la transition énergétique des territoires. Si des premiers projets ont vu le jour, il reste encore de nombreux défis techniques, économiques et contractuels à relever pour généraliser ces pratiques vertueuses. Les data centers de demain seront non seulement efficaces sur le plan informatique mais aussi thermique !

Avec Idex, transformez la chaleur fatale de votre data center en opportunité bas-carbone

Pour concrétiser le potentiel de la chaleur fatale des data centers, il est essentiel de s’appuyer sur des partenaires experts. Idex, acteur de référence de la transition énergétique, a pour mission de valoriser les énergies renouvelables et de récupération. Fort de son savoir-faire  unique, Idex dispose de toutes les compétences pour concevoir, financer, construire et exploiter des infrastructures de récupération de chaleur fatale. Son approche sur-mesure permet de valoriser cette ressource au travers de réseaux de chaleur pour approvisionner des bâtiments résidentiels ou tertiaires, ou directement auprès de sites industriels. En transformant cette énergie perdue en une ressource utile et locale, Idex aide les territoires et les entreprises à réduire leur empreinte carbone et à accélérer leur transition énergétique. 

Glossaire

  • Chaleur fatale : Chaleur générée par un procédé qui n'en constitue pas la finalité première et qui n'est pas nécessairement récupérée. Les data centers, les sites industriels, les incinérateurs de déchets sont des exemples de procédés générant de la chaleur fatale.
  • Récupération de chaleur : Procédé visant à capter et valoriser la chaleur fatale. Différents échangeurs thermiques (à plaques, à tubes, rotatifs…) permettent de transférer les calories vers un fluide caloporteur (eau, air, huile…) en vue d'une utilisation externe.
  • Réseau de chaleur : Circuit de distribution de chaleur sous forme d'eau chaude ou de vapeur, alimenté par une ou plusieurs unités de production et desservant plusieurs bâtiments. Un réseau permet de mutualiser les besoins, de bénéficier d'économies d'échelle et d'incorporer différentes sources d'énergie renouvelable et de récupération.
  • Pompe à chaleur : Système thermodynamique permettant de transférer la chaleur d'une source froide vers une source chaude. En puisant les calories dans l'air, l'eau ou le sol, une PAC permet de produire de la chaleur à haute température (> 65°C), utilisable pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire. Le fonctionnement est réversible pour produire du froid.
  • Programmation Pluriannuelle de l'Énergie (PPE) : Outil de pilotage de la politique énergétique créé par la loi de transition énergétique pour la croissance verte. La PPE fixe les priorités d'action des pouvoirs publics dans le domaine de l'énergie afin d'atteindre les 

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