Quand le gaz naturel voit double !

Décomposition d’une facture de gaz naturel - Données CRE et retraitement Idex ¹

Tout d’abord, il convient de rappeler qu’une facture de gaz naturel se compose de différents éléments :

• La fourniture d’énergie qui correspond à la consommation de gaz naturel et donc des coûts d’approvisionnement du fournisseur. C’est cette composante qui est exposée à la fluctuation des prix de marché du gaz naturel. 

• Les taxes :

  • La Taxe Intérieure sur la Consommation de Gaz Naturel (TICGN), elle s’applique aussi au biométhane

  • La Contribution Tarifaire d’Acheminement (CTA)

  • La Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) qui s’élève à 20 % pour la consommation de gaz naturel et la TICGN, et 5,5 % sur la part abonnement fixe et la CTA

• Le transport avec l’Accès des Tiers au Réseau de Transport (ATRT) fixé par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) chaque année 

• La distribution avec l’Accès des Tiers au Réseau de Distribution (ATRD), rémunérant GRDF ou les ELD (entreprises locales de distribution)

• Mais aussi :

  • Le stockage pour contribuer à la stabilité de l’offre

  • La marge du fournisseur 

  • Coût des CEE, etc. 

La TICGN a été créée en 1986, si elle concernait d’abord les entreprises, les particuliers le sont aussi depuis 2014. Son prix est révisé tous les ans et est proportionnel à la consommation de gaz naturel : il est spécifié en € / MWh. Cette taxe est collectée directement par les fournisseurs d’énergie puis reversée aux douanes.

L’objectif affiché de cette taxe est d’envoyer un signal prix favorable à la sortie des énergies fossiles pour accélérer le développement d’alternatives bas carbone et des énergies renouvelables. Il s’agit d’un des outils mis en place pour accélérer la transition énergétique avec la neutralité carbone en ligne de mire.

L’augmentation de la TICGN est donc prévue dans le cadre de la prise en compte de la contribution climat énergie. Pour cela, les lois de finance successives ont fixé une trajectoire prévisionnelle du coût indexé sur une valeur de la tonne carbone atteignant 86,20 € en 2022. Suite à plusieurs années d’augmentations significatives, il était prévu que la TICGN augmente ensuite très légèrement jusqu’en 2030.

Evolution de la TICGN sur la période 2014-2024

En pratique, la Taxe Intérieure sur la Consommation de Gaz Naturel a connu un tout autre scénario :

• Suite aux mouvements sociaux (mouvement des “Gilets Jaunes”), le gouvernement a décidé de geler la TICGN à 8,45 € entre 2018 et 2020

• Puis, en raison de la crise sanitaire du Covid-19 le gel a été étendu en 2021 

• La flambée des prix de l’énergie fin 2021 et le début de la guerre en Ukraine ont conduit à la poursuite du gel de la TICGN jusqu’en 2023

Toutefois, en 2024 le gouvernement a décidé de mettre fin au bouclier tarifaire. Conséquence directe : la TICGN double presque pour atteindre 16,37 € / MWh contre 8,37 € / MWh en 2023 ! Cela représente une augmentation moyenne de la facture de plus de 10 % pour un logement chauffé au gaz naturel en 2024.

Cette hausse n’est pas anodine, avec un cours des marchés de gros oscillant désormais entre 25 € et 30 € du MWh, la TICGN représente désormais plus de 50 % des prix de marché. Cependant, la baisse du prix du gaz naturel sur les marchés envoient un signal faible quant au remplacement de ce vecteur fossile par des alternatives bas carbone compétitives.

Par ailleurs, le signal prix va aussi être impacté par une hausse moyenne de 19 % au niveau du transport avec l’ATRT8 au 1er avril 2024, suivi d’une hausse de 27,5 % pour la distribution avec l’ATRD au 1er juillet 2024. 

De plus, les aides gouvernementales ne sont plus au goût du jour avec l’annonce du Gouvernement d’un plan d'économies de 10 milliards d’euros pour 2024, puis 20 milliards d’euros en 2025. En cas de nouvelle flambée du gaz naturel sur les marchés, un mécanisme de soutien tel que le bouclier tarifaire semble donc très incertain. 

Aussi, même si les prix de marché actuels peuvent constituer une bonne nouvelle pour le pouvoir d’achats des ménages, et pour le budget des entreprises, des collectivités et des industriels consommateurs de gaz, cette accalmie risque de précéder une nouvelle tempête pour laquelle aucun paratonnerre ne risque d’être prévu. Le seul moyen de se prémunir de ses aléas climatiques sur les prix de l’énergie reste d’investir dans des systèmes énergétiques utilisant des sources d’énergie renouvelable et locale (biomasse, réseaux de chaleur, géothermie, pompe à chaleur, solaire thermique, etc.).